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Demain, tous entrepreneurs ?

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La trentaine tout juste entamée, Thierry Debarnot (ISEG Marketing & Communication School promo 2007) et Alexandre Malsch (Epitech promo 2009) sont déjà des entrepreneurs reconnus. Respectivement à la tête de, sociétés leaders de leur secteur, ils ont tous les deux débuté leur aventure entrepreneuriale alors qu’ils étaient encore étudiants. De la simple idée, à ce qui fait le succès d’une aventure, nous leur avons demandé ce qui se cachait derrière la vie de chef d’entreprise et ce qu’ils pensaient de l’écosystème actuel, qui n’a jamais été aussi favorable aux entrepreneurs.

Cet entretien est extrait du n°34 du IONISMag.

Thierry Debarnot et Alexandre Malsch

Dans la réussite entrepreneuriale, qu’est-ce qui est rationnel et qu’est-ce qui ne l’est pas ?
Alexandre Malsch : Ce qui est rationnel, c’est l’équipe. Une bonne équipe permet d’avancer. Mais aussi la manière dont on exécute l’idée, alors que l’idée elle-même est difficilement rationnelle. Plus largement, les relations humaines, le rapport à la temporalité et l’écosystème environnant sont des éléments que l’on ne peut pas maîtriser.
Thierry Debarnot : Le plus rationnel, au fond, c’est le rapport aux moyens et à la rentabilité. Avoir une idée c’est bien, mais pour l’exécuter et en faire une réussite sur le long terme il faut un business model robuste capable de générer de la rentabilité et/ou de convaincre des investisseurs. Les problèmes du quotidien sont eux aussi rationnels, notamment dans les ressources humaines. On n’en parle jamais, mais c’est essentiel d’y consacrer beaucoup de temps, car c’est l’équipe qui transforme l’idée et la vision. Ce qui est irrationnel, surtout quand on est une start-up et dans le numérique, c’est l’environnement et le fait qu’on peut passer, très rapidement, de l’euphorie à des moments à l’exact opposé. Les événements récents le montrent bien : certains projets qui avaient levé beaucoup de fonds se sont écroulés, alors que les entrepreneurs derrière ces projets étaient considérés comme « les rois du monde » quelques mois auparavant…

« Certains sont faits pour construire, d’autres pour mener les projets »

Comment vous est venu le déclic d’entreprendre ?
AM : J’ai toujours aimé construire. Quand je ne construis pas pour melty, je construis des parcs d’attractions virtuels. Quand j’étais petit, je construisais des téléskis et des bateaux. Construire est un besoin pour moi. Quand je pars surfer 15 jours à Biarritz, je ne me peux pas m’empêcher d’aller construire des choses, que ce soit avec mes amis des surfshops sur place ou avec des marques locales à qui je propose de nouveaux projets. J’ai besoin de créer.

Mais construire n’est pas la même chose que diriger…
AM : Non et c’est une bonne chose. Certains sont faits pour construire, d’autres pour mener les projets. Mon rôle est de construire melty et notre directeur général s’occupe de le diriger. Depuis que j’ai compris cela, j’ai gagné 50 ans de vie, d’énergie et 50 ans dans mes idées… Mon travail est d’imaginer ce vers quoi ira melty et comment.

Au fond, la bonne idée, que vous avez tous les deux eue, elle vient d’un manque ?
AM : Tout a commencé à Epitech, lorsque je me suis rendu compte qu’il n’y avait pas de médias pour les jeunes… Je me baladais sur les portails de l’époque et je me disais qu’il n’y en avait aucun qui regroupait ce que j’aimais. Tout est finalement parti d’un besoin personnel.
TD : Fin 2005, je cherchais des exposés et des cours en ligne gratuits. Je n’en trouvais pas. Du coup, j’ai créé un premier site pour mettre mes propres cours et mes travaux. À partir du moment où les utilisateurs étaient de plus en plus nombreux et que j’ai découvert que je pouvais éventuellement en vivre, le projet s’est transformé d’idée à business.

« Le but n’est pas d’éviter  les erreurs – tout le monde en fait –, mais de ne pas  les répéter »

Autre point commun, pour réussir, vous avez su prendre des virages à 180 degrés et changer radicalement vos activités pour permettre à vos sociétés d’avancer. Comment réussir en se remettant en cause ?
AM : Cette capacité de remise en question est propre à l’entrepreneur et elle est différente de la résilience. C’est pourquoi je pense que les projets nés d’une idée personnelle ont plus de chance de réussir, mais pour cela, il faut une équipe solide et bien construite. Il faut être capable d’encaisser un nombre incalculable de coups durs et de pouvoir retourner au front juste après. Fin 2015, un partenaire financier, qui devait investir 10 millions d’euros, nous a lâchés au dernier moment et nous allions être en cessation de paiement deux semaines plus tard. Je devais alors parler à mes équipes. Soit je leur expliquais qu’on allait mettre la clé sous la porte, soit je faisais comme si tout allait bien, car j’étais persuadé qu’on allait trouver une solution. J’ai choisi la deuxième option et nous sommes encore là ! Il ne faut jamais laisser tomber, quoi qu’il arrive. Il faut se battre, encore et encore.
L’autre élément important, c’est la remise en question permanente. Soit je suis totalement bête, têtu et dans ce cas, je fonce dans un mur. Ce qui est idiot, surtout quand c’est la dixième fois. Soit, au contraire, je suis capable d’écouter mes conseillers et l’écosystème, pour justement éviter ce mur que je me suis déjà pris. Le but n’est pas d’éviter les erreurs – tout le monde en fait –, mais de ne pas les répéter. C’est là que l’on a besoin d’aide et d’apprendre ; d’où l’importance de constituer une bonne équipe et de faire preuve d’une grande capacité d’exécution permettant de changer de cap très rapidement.
TD : Comme Alexandre, mon aventure entrepreneuriale a comporté un certain nombre d’étapes et de virages décisifs. Par exemple, l’embauche, au début de mon projet, d’une directrice commerciale a permis de faire exploser le chiffre d’affaires. Quelques années après, alors que je commençais à « m’ennuyer », je rencontre Anthony Kuntz qui possédait une activité de conception d’applications mobiles. On décide alors de fusionner nos deux sociétés pour donner naissance à digiSchool et devenir précurseurs dans l’éducation en ligne grâce aux applications mobiles.

« Les jeunes entrepreneurs ont aujourd’hui la chance de bénéficier d’aides, notamment financières »

Qui vous inspire ?
AM : De nombreuses personnalités. Je pense à Eleanor Roosevelt qui a dit « le futur appartient à ceux qui croient à la beauté de leurs rêves » ou Walt Disney pour qui « la différence entre un rêve et un projet est la deadline »…
TD : Mes modèles sont plus atypiques. Comme mon père, électricien. Il avait sa propre entreprise et je le voyais travailler dans un environnement qu’il aimait. C’est grâce à lui que j’ai découvert ma vocation, mon désir d’entreprendre et d’être indépendant. Mon autre modèle, c’est Jean-Michel Aulas [NDLR : fondateur de Cegid Group et président de l’Olympique lyonnais] qui a connu plusieurs réussites dans des univers différents. C’est ça le talent, être capable de répéter les succès. Aussi il est parti de rien et cela m’inspire beaucoup.

Au début de vos aventures entrepreneuriales, les incubateurs et les accélérateurs existaient à peine. Quel regard portez-vous sur ces structures et plus largement sur le contexte actuel, avec des outils et des possibilités plus nombreux pour entreprendre ?
AM : Même si nous avons fait partie du programme Microsoft Idées (un peu la version bêta des programmes d’accélération), nous avons bénéficié du soutien d’Epitech. L’école nous a prêté des locaux, du matériel et donné quelques contacts, ce qui était une forme d’incubation avant l’heure…
TD : Ce sont mes clients qui m’ont d’abord permis de grandir, en quelque sorte mes clients m’ont incubé. Cela m’aurait aidé de bénéficier de l’accompagnement des structures qui existent aujourd’hui. Ma chance est d’avoir bénéficié de la bienveillance de l’ISEG Marketing & Communication School qui m’a permis de dégager du temps pour ma première entreprise alors que j’étais encore étudiant. C’était avant-gardiste.
AM : Nous avons la même histoire, j’ai pu effectuer mon stage de fin d’études au sein de melty. Cela a été un élément fondamental qui a participé à la réussite de notre projet.
TD : L’environnement et le climat actuel sont très favorables aux projets portés par les étudiants. Mais attention à ne pas se disperser en participant à tous les concours, en rencontrant trop de personnes avec des avis parfois très différents… Il faut rester concentré sur son projet et avoir confiance. Les jeunes entrepreneurs ont la chance de bénéficier d’aides, notamment financières, que nous n’avions pas à notre époque.
AM : Je suis très heureux de l’éco­système global qui s’est construit ces dernières années, notamment la French Tech, un label (et pas un programme géré par le gouvernement) que les différents pôles numériques et les entrepreneurs peuvent utiliser, faire évoluer et enrichir. C’est une très belle initiative. Je trouve ça très bien la manière dont les entrepreneurs qui ont réussi travaillent avec cet écosystème. Comme ce que fait Xavier Niel à la Halle Freyssinet [NDLR : à Paris dans le 13e arrondissement, où doit s’ouvrir le plus grand incubateur du monde, avec 1 000 start-ups], qui va être un vaisseau amiral extraordinaire pour disrupter l’ensemble du pays et nous faire plonger dans l’ère numérique. Dernier élément important, le maillage local de cet écosystème : tous les grands pôles français possèdent des French Tech thématisés, localisés, avec une expertise très forte. Comme l’Ocean Tech de la côte atlantique qui a développé des pôles de compétences qui permettent de construire des matériaux innovants via des fab labs, de les tester sur des plages connectées et de les expédier aux quatre coins du monde. Des exemples comme celui-là, il y en a partout en France et on n’en parle pas assez ! J’en suis très fier.

« Quand on est jeune, on a peu de contraintes. C’est donc le meilleur moment pour tenter et se planter  »

Quels conseils donnez-vous à la nouvelle génération d’entrepreneurs ?
AM : Faites un projet qui vous plaît, pas dans l’idée de faire de l’argent. Encore une fois, sachez vous entourer. Le plus important, c’est l’équipe. Cela m’a fait perdre beaucoup de temps. Une bonne équipe, c’est un chef de produit (plus ou moins le technicien), un commercial (dont le but est de ramener de l’argent) et un financier (qui fait que l’on ne perd pas d’argent). Avec ces trois profils, tu es armé pour affronter les quantités de problèmes qui vont te tomber dessus. La première idée ne vaudra rien, la deuxième non plus, mais la troisième aura de la valeur. Mais pour survivre à ces deux premières idées, il faut une équipe. Les bons investisseurs sont d’ailleurs ceux qui ne misent pas sur une idée « early stage », mais sur une équipe et sa capacité à pivoter sur l’idée suivante. Il est essentiel que l’entrepreneur qui porte le projet se rende compte de ses forces et faiblesses. C’est un métier qui donne beaucoup de stress et il faut faire beaucoup de sport pour évacuer.
TD : La passion, la persévérance, la performance et le plaisir ! Quand on est jeune, on a peu de contraintes. C’est donc le meilleur moment pour tenter et se planter.

Quelles erreurs regrettez-vous ?
TD : L’aventure digiSchool a aujourd’hui 10 ans et ma principale erreur a été de ne pas avoir accéléré plus tôt. C’est à la fois un inconvénient et un avantage, mais à partir du moment où notre modèle était éprouvé, nous aurions pu accélérer un peu plus tôt – deux, trois années avant. Cela nous aurait permis de créer une dynamique différente et de prendre plus rapidement des parts de marché. La levée de fonds ne m’inté­ressait pas et je ne portais pas le regard positif que j’ai aujourd’hui sur les financiers. Je ne m’étais pas fait conseiller – une deuxième erreur. Nous avons réussi nos deux dernières levées de fonds car nous étions entourés. Nous avions assez de recul pour prendre les bonnes décisions et faire contrepoids avec ce que l’on pouvait penser.

Le modèle de la start-up va-t-il s’essouffler ?
AM : Ce n’est pas une mode, mais une étape de l’entreprise. Les sociétés qui se créent aujourd’hui enregistrent des croissances de start-ups, finissent par se stabiliser et deviennent des groupes. Google n’est plus une start-up. C’est une étape de la croissance.
TD : Le grand public ne connaît pas vraiment les start-ups. Le portrait qui en est fait est assez galvaudé et ne représente pas réellement ce qu’est une entreprise solide, sur le moyen et le long terme. Réussir, ce n’est pas lever des fonds, ni venir travailler en short ou avoir une moyenne d’âge de 25 ans. Cette mode est un outil de communication, trop mis en avant. Le grand public ne sait pas quels sont les vrais objectifs d’une start-up ni comment elle fonctionne.
AM : Il y a deux éléments. Le premier, c’est l’étape avec une hyper-croissance liée à la prise d’« hyper-risques ». C’est généralement le début de vie de l’entreprise, mais certaines peuvent aussi prendre des virages, lever des fonds et se retrouver dans une dynamique de croissance énorme. TF1 réenclenche en ce moment une dynamique d’innovation très forte, pendant que Canal+, qui était un peu la start-up des médias à l’époque, la désenclenche. Le second, c’est la philosophie générationnelle de travail, qui parfois peut être extrême dans les start-ups qui en font un outil de communication. Mais c’est ce mouvement qui irrigue progressivement toutes les entreprises. Les start-ups, partant de rien, peuvent se permettre des comportements extrêmes que mettent plus de temps à mettre en place les entreprises plus anciennes. En trois ans, AccorHotels vient de rajeunir d’une vingtaine d’années l’âge moyen de ses collaborateurs. Chez melty, nous faisons l’inverse et nous nous institutionnalisons, en nous structurant, car le mode start-up ne peut pas être une finalité.

« Le but d’une start-up est de ne plus en être une le plus tôt possible !   »

TD : Le but d’une start-up est de ne plus en être une le plus tôt possible !
AM : Son but est de rester une start-up le plus longtemps pour ne pas justement atteindre ce « plafond » de la maturité, qui souvent signifie la fin d’une grande capacité à innover. Le vrai défi, c’est le rapport permanent entre la rigueur et la structure, entre la « start-upsiation » et la « non start-upsiation ». C’est de trouver l’équilibre entre être une entreprise libérée, qui généralement finit mal, et un grand groupe, où la moindre décision nécessite 50 réunions et où l’on s’enlise dans ses propres processus. La sédentarité et la routine peuvent s’installer à une vitesse effarante…
TD : À un moment, il faut se doter d’une certaine structure qui permet de grossir plus, ce qui implique de sortir de la start-up tout en conservant l’esprit et les valeurs de départ.


  • digiSchool. Cofondée par Thierry Debarnot (ISEG Marketing & Communication School promo 2007) et Anthony Kuntz, digiSchool est aujourd’hui la plateforme numérique leader autour des révisions (brevet, bac, code de la route…) et de l’orientation (coaching d’orientation, recherche de métier, annuaire de formation…) en France pour les 15- 25 ans, avec 8 millions d’utilisateurs par mois, 6,5 millions de membres et 5 000 nouveaux membres chaque jour. Elle ambitionne de déployer son modèle en Europe.
    www.digischool.fr
  • meltygroup. melty voit le jour en 2008 à la suite d’un projet de fin d’études mené par trois étudiants d’Epitech, dont Alexandre Malsch (Epitech promo 2009), son CEO actuel. Il est devenu aujourd’hui le groupe média en ligne leader pour les 18-30 ans, avec une quinzaine de sites en France, une trentaine dans le monde en dix langues différentes. Le groupe compte plus de 80 salariés et 26 millions de visites moyennes chaque mois.
    www.melty.fr


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